Placentaires


Placentaires, travail en cours depuis 2015.

Le placenta est un drôle d'objet organique. Constitué au départ des mêmes cellules que celles du futur être vivant, il se "sacrifie" en quelque sorte pour que ce dernier se développe et vive. Au moment de la naissance, cet espèce de gros morceau de viande est séparé de l'enfant par la coupure du cordon, puis il est détruit, parfois conservé à court terme à des fins de recherche, et dans de rares cas, mangé par la mère. Bref, on ne se soucie guère de cet organe singulier qui fait pourtant tellement partie de la personne en devenir.

Je réfléchis depuis quelques temps à une analogie avec les fonds photographiques qui me sont confiés pour traitement, et qui, une fois passés entre mes mains, repartent tout propres et habillés de papier blanc, dans de petits berceaux de carton gris. Généralement, tout ce qui entoure ces photographies : pochettes, boîtes, papiers, élastiques... n'est considéré que comme source de documentation par le biais de la légende qui y figure éventuellement. Peu est conservé matériellement.

J'ai toujours été fascinée par cette poésie placentaire, le presque rien, le tellement peu qu'il est rebut. Par sa force d'évocation, au-delà de la simple image, la matérialité qui entoure la photographie m'interroge et me retient.

 

Publication au sujet de cette série (en anglais) : http://www.theafterlifeofdiscardedobjects.com, suivre le fil : "Featured Stories" puis 7/5/2017 (Sleeves, Boxes, Wrapping papers, Elastic Bands : What We Never Think About When We Think About Photographs)

 


Le chemin du renard

Le chemin du renard est une série réalisée entre mars 2017 et juillet 2019. Sujet familial, important pour moi mais que je considérais mineur en termes de recherche, en-dehors de mes déambulations photographiques habituelles, je n'avais pas pensé la présenter un jour. Et puis, la voyant publiée ponctuellement sur mon fil Instagram (#jojosurlechemindelécole), quelques personnes se sont enthousiasmées. Anne Delrez, de la Conserverie, m'a dit à la fin : "Il ne faut pas que Jojo aille au collège". On m'a dit aussi que ces images faisaient du bien. Alors quand le projet d'exposition de la série Prologues à la galerie Hasy, sur proposition de son responsable Thierry Merré, a enfin pu voir le jour fin mai 2021, il m'a paru important d'y ajouter une vingtaine d'images pour faire du bien aux visiteurs qui allaient retrouver le chemin des lieux culturels après ce temps si morne de confinement.

 

Un jour de mars 2017, sur le chemin de l’école.

 

Joseph a 9 ans.

 

« Oh, maman, regarde comme c’est beau ! On dirait un mariage. Il faut que tu prennes une photo. »

 

Ce que je fais sur-le-champ, avec lui dans le cadre, au milieu de ces fleurs tombées qui ont tant plu à ses yeux.

 

Quelques jours plus tard, on observe longuement une souris morte, au milieu du trottoir. C’est dommage, ce jour-là, je n’ai pas de quoi photographier cette scène.

 

Alors, les autres jours, je prends mon appareil dans la poche, au cas où.

 

Pendant trois ans, avec la participation active de Joseph, on fait des photos sur ce chemin. A pied, à vélo, en trottinette, en skate, on adore ce moment de complicité et de partage. On regarde les couleurs, la brume sur le canal et les marais ; on remarque les jours qui s’allongent ou qui diminuent ; on parle de sujets graves ou drôles ; on cueille des fleurs ; j’apprends le nom de figures de freeride.

 

Je prends des photos à l’aller, et puis aussi sur le chemin du retour où je suis seule.

 

Je n'en prends pas tous les jours.

 

Un moment particulier de cette cheminerie, comme on dit ici : le passage des ponts. Au-dessus de la voie ferrée, le long de la « fabrique à nuages », puis au-dessus du canal, où on rêve souvent qu’on passe d’un monde à un autre, sur une passerelle suspendue entre ciel et eau.

 

Un jour de juillet 2019, c’est le dernier jour d’école de Joseph. En septembre, il entre au collège.

 

*En gallo (fére le rena), comme en breton (skol al louarn), le renard c’est celui qui fait l’école buissonnière.

 


Construire une ville

Construire une ville est un travail réalisé en 2016.

La photographie est pour moi un moyen très pratique de refaire le monde à ma façon. Nul besoin d’aller bien loin : dans des rues en apparence anodines, on trouve toujours des éléments intéressants : un pignon de forme un peu bancale, un pan de mur marqué par le temps, un rideau de fer antique, la trace d’une ancienne inscription… Dans les zones industrielles aussi, où le hasard fait se rencontrer, pour peu qu’on les recherche, des éléments qui soudain fonctionnent ensemble visuellement. Je travaille les jours gris, où la lumière égale met en valeur toutes les nuances colorées du béton, du métal, de la pierre et du temps qui passe. Par commodité, je photographie souvent avec mon portable, qui se glisse si facilement dans la poche. De retour à l’atelier, j’imprime les images et les découpe aux ciseaux, je les triture et les arrange à ma guise : c’est un jeu de (re)construction. Ici, c’est Redon, mais c’est aussi ma ville imaginaire, faite d’idées de maisons, d’une rue sans fin et de portes qui ne donnent peut-être sur rien – ou sur l’infini de la rêverie.

Ce travail a commencé dans un des cahiers qui me suivent partout, et a pris forme lors de son exposition aux premières Rencontres photographiques en Pays de Redon. S'il est à nouveau exposé, il sera assemblé et accroché en fonction du lieu qui l'accueillera.

 


Prologues

Prologues est un travail réalisé entre 1997 et 2000. En 1997, je finis mes études à l'école de photo d'Arles. J'utilise toutes sortes d'appareils photographiques, avec une prédilection pour les moins techniques, ceux qui vont produire le plus d'accidents et de surprises, comme les vieux Brownie Flash, les appareils à soufflets, à cartouches de tout petit format. Chez moi, j'ai un mur empli de photographies, de morceaux d'images et de textes, collés avec des petits bouts de scotch. Ce sont des notes, des toutes petites choses qui se sont mises en place au fil des jours, sans intention première. Lorsque je dois déménager pour rentrer à Brest, je ne peux me résoudre à détruire cette accumulation in situ, et je les transpose dans un cahier à spirale, selon une organisation assez aléatoire. Je continue ensuite ce cahier, exutoire à la difficulté de se retrouver hors du paradis qu'était cette école, sans plus de moyens pour obtenir des images autres que celles, en noir et blanc, tirées dans mon petit labo de fortune. Une fois le cahier rempli, cette série est bouclée.

Presque 20 ans après, je ressors cet ensemble qui dormait dans une boîte. Je l'assume toujours. Aujourd'hui, au-delà des fragments de vie, il parle aussi d'une époque révolue, où la pratique du tirage nous faisait produire des bouts d'essai avant le tirage final, petites images partielles et imparfaites, mais que je ne me résolvais jamais à jeter. Il parle aussi de voyages entre la Bretagne et la Méditerranée, d'amis, de moments anodins mais précieux aujourd'hui, à l'aune du temps passé.

Merci à Xavier Martel, historien de la photographie, enseignant, commissaire d'exposition, photographe, qui m'a donné confiance en soutenant ce travail, et qui m'en a confié sa lecture, au fil de nos discussions par-delà les terres et les mers.

 

Ce travail a été présenté à la galerie Confluence (Nantes) du 2 février au 30 mars 2019, à la galerie Hasy (Le Pouliguen) du 29 mai au 27 juin 2021 et à la galerie pédagogique du lycée Grand-Air de La Baule du 17 janvier au 5 février 2022.

Ecoutez "Les cahiers à spirale de Gwenola Furic", interview par Brigitte Patient (Regardez Voir, France Inter, 2019, 4 mn)

Regardez la présentation de l'exposition aux lycéens en 2022

 

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Esse

 

D'emblée, le S, serpent de la tentation, s'ajoute au PROLOGUE. Et bien entendu, c'est déjà toute une histoire... précisément, non : un ensemble de fragments qui pourraient bien nous inciter à penser que ce serait là le début de plusieurs histoires...

 

Ce pluriel bien entendu à dessein, pour rappeler que la photographie est contre l'univoque, contre le sens unique (induit : contre le sens interdit). Fuyons le sens unique, sans nous engager pour autant dans un sens giratoire. Sens dessus dessous, le sens suit la pagination, bien que parfois, parfois les images bégayent, reviennent.

 

Prologues à autant d'histoires qui se déroulent au gré des fragments de photographies de Gwenola Furic, de bouts d'essai, de découpis dans la masse photographique accumulée. Densité d'argent, fugacité d'un nuage.

 

Prologues en bouts d'essai(s), invitant aux / relatant des voyages...

petite histoire : voyage du nuage

arles, le 2 mars 1995

 

Voyages entre deux mers, d'une plage à l'autre, plage entre les plages, sur les chemins et à côté. Prologues en forme de fragments d'une mémoire des pas, des trajets, des paysages défilants du train ; et dont le fil des pensées sont ces mots, typographiés, inscription d'une machine à écrire qui chercherait "le milieu de l'Atlantique" où "s'arrête la page". Ce fil de pensées en forme de bandelettes, tenues, maintenues, retenues, par de petits bouts de papier adhésif jaune. Bandelettes en forme de légendes et, parfois, rappelant certains voyages entre les îles  - Avant la lettre. Un peu plus loin, un peu avant, c'est bien Philémon que l'on voit passer et probablement Anatole, son âne compagnon, c'est pas bien loin.

 

Au fil des pages, au fil des jours et peut-être d'un jour pas si lointain, mais aussi fort ancien, l'empereur Kublai Khan dirait (aurait dit) (dira) à Marco Polo "Moi aussi, je veux reconstruire en direction de la côte la ville au nom du songe"... exemple parfait de fragment mémoriel relié à la relecture d'une phrase apocryphe échappée des plages, des pages des brouillons des Villes Invisibles. Mémoire d'un fragment que Gwenola Furic aurait pu reconstruire, en rendant visite, sur ce littoral, à un Palomar.

 

Voyages oniriques, incitations à d'autres voyages, histoires racontées, entre deux côtes  - de l'azur à l'émeraude... de l'argent à l'opale  - que l'on reconnaît, où l'on se reconnaît, où l'on se retrouve, "dans l'tourbillon de la vie". Au fil des jours, au fil des pages, petits dédales de photographies et de textes, entremêlées, Prologues en découpis d'une vie, d'une histoire, d'histoires d'une vie que Gwenola Furic reconstruit, remodèle pour son plaisir, pour notre plaisir, pour nos désirs.

 

Xavier Martel

Sanda, décembre 2018

 

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« Bien qu’il soit présenté au public, l’espace de Gwenola Furic est intime, et « ainsi d’une âme qui ne se confie pas, la clef n’est pas sur la porte » observerait Bachelard. Son espace, c’est l’accumulation et l’enregistrement. Sa localisation : la mémoire. Ce nouvel « espèce d’espace » est ainsi fragmenté, les lieux sont éclatés, les époques différentes coexistent simultanément. Que peut-il y avoir de plus troublant que d’accéder à l’univers matériel d’un être cher en son absence ? Un espace pour gratter, fouiller, déballer, exhumer, découvrir, ressusciter… Se laisser aller au plaisir du désordre et remonter au hasard des émotions le fil d’Ariane de la mémoire. »

 

Frédéric Lemaigre, Captures n°2.1, Sélection du SIRP, 1998

 


Pour vous, seuls

Pour vous, seuls (1995-1998). Livre unique.

 


36 pierres

36 pierres (1996). Installation

 


Le livre des débuts et des fins du monde

Le Livre des débuts et des fins du monde est né d'un ratage. D'une journée de prise de vues à l'île de Batz, avec un très vieil appareil à soufflet qui avait perdu beaucoup de ses qualités optiques, et par un temps de pluie incessante en hiver. Le résultat n'était pas du tout ce que je recherchais, mais il m'a inspiré autre chose, cette incursion au-delà de mes repères habituels, dans un monde incertain mais bien réel puisque je l'ai créé. C'est probablement le plus vieux travail photographique que j'aie gardé, daté de 1994.